Introduction aux rythmes
Le mot mátrá signifie accent, ou pause, en sanskrit. En particulier, le mátrá désigne l’unité de temps utilisée pour effectuer des pránáyámas (l’expansion de la bioénergie grâce à la respiration). Il correspond à une mesure légèrement inférieure à une seconde (« le temps d’un clignement d’œil », selon les SháStras). Par conséquent, les deux injonctions : « inspirez en trois secondes » ou « inspirez en trois mátrás » sont presque équivalentes.
Dans le cadre de vos techniques respiratoires, un « temps » représente une certaine durée, équivalente pour l’inspiration par le nez, pour la rétention avec air, pour l’expiration par le nez, et pour la rétention sans air. Cette unité de temps peut être d’une seconde, de deux secondes, de trois, etc. « Deux temps » signifie que la phase en question dure deux fois plus longtemps qu’une phase d’un temps, qui sert de mesure.
Par exemple, une technique respiratoire avec le rythme 1-2-1 consiste à inspirer en un temps (par exemple trois secondes), retenir l’air dans les poumons pendant deux temps (ici six secondes), expirer en un temps (trois secondes) et ne pas retenir la respiration avec les poumons vides. En effet, l’absence d’indication pour la dernière phase signifie qu’il n’y a pas de rétention sans air. Il s’agit ici du meilleur rythme pour les débutants qui ont déjà un certain temps de pratique. Quant à ceux qui n’ont encore aucune expérience, ils doivent réaliser des techniques respiratoires sans rythme.
Les rythmes 1-0-1-0 et 1-0-2-0 sont les rythmes les plus simples et les plus naturels, que nous adoptons spontanément lorsque nous dormons, ou lorsque nous nous concentrons sur une tâche absorbante.
Le rythme 1-1-1-1 est celui où toutes les phases de la respiration ont exactement la même durée. On l’appelle chaturánga, ou rythme carré.
Le rythme 1-2-1-2 indique que l’inspiration et l’expiration durent un temps alors que les rétentions avec et sans air durent deux temps. Ce rythme peut être utilisé par des pratiquants plus expérimentés, avec comme objectif de dominer les vrittis (instabilité de la conscience). L’unité de temps doit être choisie avec précaution, en évitant toute exagération, afin de ne pas courir de risque.
Le rythme 1-2-3 indique que le temps de l’expiration représente la somme du temps de l’inspiration et de celui de la rétention avec air. Par exemple : inspirer en 5 secondes, retenir l’air pendant 10 secondes et expirer en 15 secondes. Ce rythme est de niveau intermédiaire et peut être utilisé afin d’apaiser le pratiquant.
Le rythme 1-4-2 consiste à inspirer en un temps (supposons en trois secondes), retenir l’air pendant quatre temps (dans ce cas 4 x 3 = 12 secondes), expirer en deux temps (ici 2 x 3 = 6 secondes). Ce rythme est réservé aux pratiquants expérimentés et est déconseillé pour les débutants, et ce tout particulièrement lorsque l’unité de temps est supérieure ou égal à quatre secondes. Ce rythme peut aider à atteindre des états supérieurs de conscience.
Le rythme 1-8-4-0 est utilisé uniquement dans les pránáyáma très avancés, dans le but de supprimer les vrittis, car ils nécessitent une domination absolue du processus respiratoire.
Évolution graduelle du rythme
Voici les différents rythmes qui peuvent être utilisés avec les pránáyámas, du moins avancé au plus avancé :
- 1-1-1-0
- 1-2-1-0
- 1-2-3-0
- 1-1-1-1
- 1-2-1-2
- 1-4-2-0
La respiration rythmée ne doit être commencée qu’une fois que le pratiquant maîtrise la respiration sans rythme. Nous recommandons aussi aux pratiquants d’éviter de tenter des expériences, et de ne pas utiliser des rythmes qui ne sont pas présentés dans cet article. En effet, ces rythmes proviennent de l’Antiquité et nous connaissons très bien leurs effets. Si un pratiquant teste un rythme uniquement pour faire l’expérience de la nouveauté, il peut se mettre en danger. Le Yôga est fondamentalement empirique. Si une technique spécifique est sans effet ou que ses effets sont nocifs, avec le temps elle est exclue. Si au contraire, cette technique est bénéfique, elle est incorporée au patrimoine du Yôga. Cependant, pour qu’une technique soit insérée dans notre tradition, il faudra nécessairement des siècles d’expérimentations et quelques victimes.
Progression graduelle dans les rythmes respiratoires
Les mots adhama, madhyama et uttama ont deux significations. D’une part, ils désignent les trois types de respiration qui constituent la respiration complète (abdominale, intercostale et la partie haute du torse). D’autre part, ils sont utilisés pour classer la respiration en trois stades, en considérant le degré de difficulté et la durée des phases respiratoires. Vous trouverez ci-dessous les trois stades pour le rythme 1-4-2-1 :
- Au premier stade, adhama, lorsque le pratiquant est débutant, la pratique constitue un effort physique. En effet, la position est inconfortable, le rythme et la stabilité font défaut. La respiration est forcée, superficielle et anxieuse. La transpiration, la fatigue et les tremblements peuvent survenir.
- Au stade suivant, madhyama, le sádhaka (pratiquant) est capable de rester dans la position assise avec plus de confort et de stabilité. Sa capacité pulmonaire est bien plus grande que celle du débutant. Sa pratique est modérée.
- Au troisième stade, uttama, le yôgin est discipliné, s’assoit droit et reste conscient, sans se disperser. Ses poumons sont capables de soutenir le pránáyáma pendant une longue période.
Dans la Ghêranda Samhita, un livre écrit par le sage Ghêranda à l’époque médiévale, le nombre de mátrá est beaucoup plus élevé : 12-48-24 pour le premier stade ; 16-64-32 pour le deuxième stade ; et 20-80-40 pour le dernier stade. Cela s’explique peut-être par le fait qu’à l’époque, le temps dédié aux exercices de respiration était beaucoup plus important qu’aujourd’hui. À l’heure actuelle, avec des capacités de départ moyennes, il faudrait ainsi s’entraîner plusieurs heures par jour pendant des années pour arriver à ces niveaux de rythme et de mátrá.
Dans tous les cas, la pratique régulière des rythmes de respiration permet tout de suite de réapprendre progressivement à respirer, et de bénéficier de ses nombreux bienfaits sur le système nerveux (gestion du stress, relaxation, préparation à l’action). Rejoignez-nous dans notre école à Paris Centre, pour respirer avec nous !
L’importance de la respiration dans la méditation
La respiration capte et reflète en continu toutes les variations de notre flux émotionnel ou mental. La gestion du rythme respiratoire permet de réguler en retour les instabilités de la conscience, et de méditer.
En intervenant sur les rythmes organiques et psychiques, le pránáyáma modifie en quelques instants l’état de la conscience, rendant possible, même pour un débutant, l’aperçu de la méditation. Pour y parvenir, la respiration doit être profonde, consciente et strictement nasale : en effet, il ne faut pas respirer par la bouche.
Crédits Photographie : Elizeu Dias (Unsplash)